mardi 19 avril 2016

OU476 - 19 avril : révulsivité

Tu es debout devant le zinc d'un bar crapuleux
Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux

Il faudrait sans tarder redéfinir l'invention des frontières qui firent qu'ici est ici, et pas là, alors qu'ailleurs décidément : on n'est que mieux. Tout le monde a une raison de s'en plaindre, souvent d'en souffrir. La seule garce de contrainte exigeant que toujours plus de mots, plus d'idée s'y perde, justifie pleinement cette réforme.   
Il conviendrait de revoir ça, et tout le reste. Ordonner une fois pour toute chaque détail et tout l'ensemble, n'avoir plus rien à dire ni faire, surtout pas écrire, juste admirer sans relâche le glissement parfait de cette nouvelle mécanique. Quelque chose de doux, bien ordonné, nouvelle quintessence digne d'un bon breuvage, l'existence sans contrainte se résumant enfin à ça, le breuvage, et la sieste, mais surtout le breuvage.   
Il y a eu des projets, ça, et il y eu des listes, plein ! Également foison de gens, de lieux, d'envols minutieusement considérés, rationnellement décortiqués. A quoi bon ? 


Le paysage défilait. Les paysages défilent. 
Ils font ça rudement bien, les paysages. Parfois aussi, le train s’arrête.
Un clampin monte, puis le paysage reprend son petit boulot pépère. Lumière qu’il faut, ciel au petit poil, remet-moi un poil de bleu, coco. A Josipdol deux personnes descendent : un homme, une femme. Dans le siège à côté de moi : ni âme, ni fomme. Rien de la bombina argentine que lhomme saurait trouver même aux confins de l’Europe, mais comment ferait-il ? Est-ce le sourire, ce superbe écheveau de petits morceaux d’os qu’arbore la famille ? Faisons-le apparaître à mes côtés, le temps d’une bière, temps rapide car bière unique, saloperie de train moderne dénué de bar, dry train, alors raconte-moi, bois un coup, souris un peu : tu fais comment ?
Le paysage continue son petit bonlhomme, si bien qu’il fera bientôt ailleurs, et différent. Cependant que pareil, et identique : nous sommes et continuons. 
D’autres gens auxquels sourire. 
D’autres bars dans lesquels entrer. 
Un lit, quel lit ? On verra.


Le train amende les frontières, cependant : elles persistent. Les vibrations induisent l'érection, mais la flaccidité règne. Je suis pas content !
Le priapisme n'est qu'un mensonge. Un idéal sans frontières ! Sans plus que ça. Un échec. Une forme de piloupilage, de pilou façage ? Train, frontière, érection, idéal, rien n'est advenu que l'incapacité à se mouvoir et respirer à terre, comme le poisson qui encore un peu secoue remue étouffe et meurt. Loin le navire, rendu l'affrontement de la cohérence, qui ne douterait pas ? 


Au long de ce périple certaines lignes clignotaient, aguicheuses. D'autres s'empressaient de disparaître. Il y avait toujours quelques indéboulonnables annonces, décollages du matin reportés d'heure en heure. Je restais un long moment à admirer le panneau géant des départs de CDG, et choisis finalement le vol pressenti. 

Au terme de cette fièvre, pourquoi revenir ? Que chercher dans Paris, quel mot fraîchement et sans écho qui ne soit un écueil déjà connu ? D'ici on pourrait partir dans tous les sens. Demain soir, en navire vers Bari. Ou plein nord vers Sarajevo. Sud : le Monténégro, l'Albanie, rien que des noms et des frontières, pléthore d'horizons mais rien qui satisfasse à la question ni comble l'angoisse. 
Je rentre. Je suis là. Je reste là.
Pitoyable sécheresse de mot. Il faut de nouveaux mots, de nouvelles frontières. Mais Paris, stoïque, ne répond d'aucun nouvel écho. C'est un dix neuf avril. Premier retour de marin recalé à terre.