vendredi 23 décembre 2016

ET704 - 23 décembre : torréfaction au soleil d'Afrique

On marchait dans cette rue : trottoir d'asphalte ni dur ni mou, voiture bruit juste ce qu'il faut, gens gentes en quantité et qualité variables. Elle à gauche moi à droite, devisions doucement, tirant avec soin sur chaque sujet - épauler, viser, bloquer le souffle... pan ! Car il faut tout reprendre, égrener, comme la première fois, comme pour la dernière fois, dans une urgence de fin du monde.  
Puis soudain la garce en est arrivée à évoquer l'éloquence perdue, fouillis sombre qui règne, faible filet de voix qui s'éteint... Pas du tout ! Pas du tout j'ai fait ! C'est mon plus précieux ! Je le soigne, le rénove. 
Bientôt il filera plus fièrement que jamais, sujet verbe complément, phrases au cordeau qu'il faut, avec points et majuscules s'il vous plait. J'y veillerai personnellement.


Cependant le machin titube, prend l'eau de toute part. Vous avez vu ? Et cette gîte ! On donne de la bande, sauve qui peut ! C'est l’œil, j'ai pensé, quelque fibromyalgie mal réglée qui accable, condamne, aura tôt fait de tout ruiner.  
Car faut bien rincer l’œil pour rénover le regard, sans quoi c'est tout périmé du verbe qu'on se trouve. Alors comme la conjonctivite menace, c'est pas un vieux collyre qui changera nib', faut du lourd, du gras, du varié. Du pas commun. Faut foncer dans la mêlée, taper tout azimut, je sais pas moi, faire sauter la banque, filer vent arrière, prenant la mer plein cul... ?

Car enfin, on enterre bien les chiens, on enterre bien les chats, qu'est-ce qui sauverait la bête, celle-là plus qu'une autre ? Toi, moi, plus qu'un autre ? Il s'agit de pas laisser couler la Seine plus longtemps. Filer loin, pour de vrai, laisser les bêtes pour ce qu'elles sont, des bêtes!, enterrées ou pas, soit dit en passant.


Comme une dernière bataille - l'enjeu est formidable ! Sans ce coup de feu c'est tout l'arôme qui échappe, la vie sera plus qu'un fil, on sucera des cailloux. Mouvement, chaleur, c'est tout l'écheveau des possibles qu'il faut secouer, nos vies doivent donner raison à Robert Brown : faut cogner, être cogné, pour continuer de vivre. 

Dans ce rince-œil insensé tous étaient belles et beaux, noirs comme il faut. Même le café. Surtout le café. Ici ni dieu ni référence, rien ne reste d'avant l'avion que les mots qui sont pareils, mais différents, petits dessins dansants ici et là. 
Ici sont quatre vingt peuples, annonce le guide. Auxquels ajouter également ma gueule, qui vaut pas derche, puis encore deux de mieux qu'on décomptera à part.


Le quatre-vingt unième est ce peuple chinois, omniprésent dans le pays, qui pose un village neuf à côté de chaque village ancien, afin de maîtriser l'envahissement des chantiers, la dérive des coûts, et empêcher la genèse d'un peuple neuf de sang-mêlés.
Enfin, et surtout, est l'antique - éternel - omniprésent peuple des hexapodes. Ceux-là chaque jour volent grimpent rampent, se mêlent à la foule, prennent cachette dans notre empire de quatre vingt un et moi, et toi, et chinois, puis sans cesse s'essaient au clonage, au mariage, pompant à qui mieux-mieux puis mélangeant tous ces sangs. Perpétuelle tentative de fonder le peuple ultime, combinaison et fruit de tous les vivants.


Je regardais ce mec dans le bus. Un cafard parcourait son corps, disparaissant dans une manche, réapparaissant au col avec grâce et tout le naturel imaginable. Mais le gars ne bronchait guère!, ni personne alentour. Alors la bête guidant ce vivant mal enterré à petits coups d'antennes, l'a prestement lancé hors du bus. C'est surtout l'absence de son regard qui m'est restée... 

Comme à Paris, je les observe, plus voraces que jamais, envahissant les murs de ce bar. Massés au sol dans l'obscurité. Prenant d'assaut les préservatifs souillés jetés au sol après l'étrange coït. Quel âge ont-ils, si un âge peut leur être attribué ? Et quel âge avait-elle ?
Elle n'avait pas de corps, sinon ce sexe si promptement offert. Mon sex droug en disait plus tard : female, good ? How was ? Vagina tight or loose ? Now change female !
Puis dans la phrase suivante me rappelait avec insistance l'existence de sa femme et de son enfant rangés à Lalibela. Good j'ai fait, t'as raison, let's change female, en pensant au 82ème peuple se baffrant de foutre.


Au creuset de ce pays reprendra le feu qu'il faut.
On y jette les graines dans une tôle, à même le foyer. A cette flamme ravivée la réaction de Maillard donnera son meilleur, développera les saveurs. Goût inimitable d'hémolymphe mélangée de sang, caramel du feu, sucre lent de la graine. Comme ma peau commence également à blondir, brunir, bientôt noircir, j'espère pour bientôt les mots qui tellement font défaut...

___
Il ne faut jamais dire, Je le ferai demain, parce que demain, nous serons sûrement fatigués, disons plutôt, Après-demain, pour nous ménager un jour d'intervalle, afin de pouvoir changer d'avis et de projet, pour plus de prudence encore, disons, Je déciderai un jour que le moment est venu de dire après-demain, et ce ne sera peut-être même pas nécessaire, si la mort, qui met fin à tout, survient avant pour me libérer de ce compromis, qui est bien la pire chose qui soit au monde, une liberté que nous refusons.

dimanche 13 novembre 2016

TO3409 - 13 novembre : tout autour la ville

on ne peut pas savoir
on ne peut rien savoir
peut-être peut-être pas
peut-être en tous cas

C'est une évidence qui se cache trop mal : le mois de novembre est le plus long de tous, quand t'as que ça à foutre, des mailles en trop, plus un insecte pour te chatouiller, des zavions par milliers... La preuve : grand le mois, tout petit ce départ. Sans raison. Ni lointain, ni durable. Juste une disparition. 


Voici un appartement, joli duplex avec des fenêtres, une porte. On y accède en montant le Beco do Mirante, en suivant cet homme et cette femme. Confort moderne, vue ce qu'il faut, bouteille de vin et quelques denrées réchappées de la veille. On se regarde. On boit. On cause. J'aime bien ce début. 
Tout autour la ville : grand réseau gargouillant de connus mal connus, inconnus, méconnus...



Evidemment c'est encore bien peu, rien de stable, à peine un tremblement. D'un motif varié, dans la clarté de l'hiver, vibrionnait enfin quelque nouveau schéma. 
Mieux ? pas pire. Fatigué ? pas tant.

Ici sont deux garnement qu'on réunit à nouveau.
Madame monsieur se connaissent bien,  sans avoir pour autant trop dit, ni l'essentiel, ni l'indispensable. Que font-ils là nos deux rigolos ? Elle lui propose. Il accepte. Jolis gens. Jolie ville. Que ne vont-ils pas se dire cette fois-ci ? 
Une fois là, une fois ailleurs, c'est un style, c'est une idée. Déçus de la vie en couple : allez la vivre ailleurs ! Même femme, même homme, suffit de bouger l'un et l'autre, parfois changer l'un, les deux ? Mouvement homogène, vecteur unique, et unité de temps seront vos uniques impératifs. 



Dans cette ville trop de connu, de vécu, les sentiments tout enchevêtrés s'étalent sur les murs, sont présents jusque dans le gaz qu'on inspire. Ici sont passées
mafemme, 
sunnymoon, 
et la reine des claques, 
clame fièrement une pancarte à la sortie de l'aéroport. Tête baissée, cramoisi, je chuchote pour moi-même, eh, enfoiré, enfoiré, te voilà criminel revenant sur le lieu des crimes ? Il y a même une ancienne maîtresse qui se balade en ville, et ses intentions sont obscures ! Comment a-t-elle su ? J'ai soudain peur, commence une course maladroite, sautant de porche en porche, les mains en masque dérisoire entourant mon visage. 
Mais bien, pourtant j'y suis, faudra s'y faire, y survivre, en revenir ?

La ville est tout de même pas vilaine. Il y a un jardin avec un chat gentil, voire deux. Ils se baladent. On se balade. Un grand ruisseau passe là, la lumière est fraîche et partout apparaissent des décorations, comme une fin d'année...
En novembre les journées sont grandes, grande l'inspiration, infinies les possibles, unique la contrainte et bien simples les mots qui s'adaptent à ce retour. 
___
(...) on se retourne alors vers le temps passé qui est le seul à être véritablement le temps et on tente de reconstituer le moment qu'on n'a pas su reconnaître, le moment qui passait pendant qu'on en reconstituait un autre, et ainsi de suite, moment après moment, tout le roman est ainsi (...)

samedi 15 octobre 2016

AF0083 - 15 octobre : comme un néant

Et pourquoi faudrait-il aujourd'hui, plutôt que demain, hier ou plus souvent, se concentrer, se livrer ?
Donnons plus de temps à l'intemporel. Moins de place aux mots. Double interligne. Marge des deux côtés. Page blanche !


Page vierge donc
Les souvenirs sont des chemises qu'on ne porte qu'une fois. Les mots ? Un pis-aller. Et les sanctuaires, des dressings où chaque fil, chaque trame, conserve l'empreinte de ce jour. Souviens-toi, ce jour là, cette étoffe m'allait encore, sans tâche ni remords.
Voilà qu'en bouclant les mots avec leurs chemises, maldito black-out de garce, j'avais dernièrement inventé le vivre-nu, sans mémoire et sans fringue, sans garce d'écho, ni once de remords. Et ça durait, et ça durait...
Puis advient ce jour où t'as tout porté une fois, où il te reste plus qu'à trier à l'odeur les vieux souvenirs, porter les chaussettes dépareillées... ou lancer une machine ?
Ce jour là, tout comme le bousier faisant tourner sa boule-échantillon du monde, la LG-F14375TD, capacité 7 kg, démarre sur le cycle coton automatique – 40°C, essorage 1400 rpm, histoire de bien purger la mémoire, vidanger une bonne fois les méninges.

Transition
Il faisait le temps qui change. Une lumière nuit jour. Un calme d'avant l'un peu après. Passée la nuit, le ciel a tapé un grand bleu tiède, bleu comme ces rêves mous de la sieste d'après midi, quand l'autre frappe au piano, et les méninges s'envolent. Bleu suffisant pour sortir le Tancarville au grand air, étage élevé, beau balcon, alors le ciel se chargera du reste.



Comme les chemises, comme les souvenirs, les insectes -bousiers, cafards, punaises, et le miraculeux hexapode-humanoïde fruit de l'Amour précédemment évoqué- n'en pouvaient plus d'attendre la conclusion, le terme de cette épreuve de transhumance. Ils en sortiront vivants, forcément, renforcés, c'est certain, et ravis de la balade et du joli logis.

C'est arrivé : comme ça
J'entassais des souvenirs, bibelots, chemises, insectes dans ces cartons. Détestable héritage de parallélépipèdes gris. Le ciel, pendant ce temps, variait tout son saoul. Nuage et pluie. Retour au bleu. Grand vent. Course de tancarville sur la piste de décollage.
Naturellement, celles taillées dans le tissu le plus léger se sont envolées les premières. Chemises chemises, petits carrés de tissus, symboles de presque rien, victimes de ce vide immense, de ce projet insensé : peut-on réformer l'hoirie, la mémoire ? Le vieillissement d'un parent ? La seule réponse qui vaille n'empêche pas d'y croire en vain. Ainsi vainement frotter gratter emballer déménager. Cette écurie d'insectes et de concepts mal tissés, à l'instar de l'étable de la grande Arche, est elle aussi condamnée à terme par excès d'ambition...



Pourquoi ce jour ? Sous prétexte que ce jour plutôt qu'un autre, il ne faut pas renoncer. On abandonnera la garce de tout espoir après la fin, quand même le piano n'en pourra plus. Alors, mieux qu'un coup de gomme, c'est portée par le vent que cette histoire se disperse, et continue...
___
Pendant que la marée monte
et Que chacun refait ses comptes
J'emmène au creux de mon ombre
Des poussières de toi
Le vent les portera
Tout disparaîtra mais
Le vent nous portera

dimanche 11 septembre 2016

AF0009 - 11 septembre : je vous déteste tous!

ni prendre, ni laisser. juste continuer d'être, et vivre un peu.
boire des cafés. peut-être pas.


c'est plein d'espace et vide de toute intimité
plein de belles choses, bourré de faux amis.
grand, grand comme tout, mais sans nulle part où crécher : le bordel
alors méthodiquement rien explorer
rien bien voir, être simplement
un peu partout, parfaitement nulle part.
on comptait les seins en liberté,
petite révolution américaine.



égrenions tous les musées possibles, tous!, autant que possible!
puis la fatigue, puis la chaleur avaient raison, toujours gagnantes, toujours perdants...

le dernier soir j'ai tenté un barouf, rester à tout prix, mais prix raisonnable tout de même. moi et tous les cafards de la ville, alors, tous voulions la même chambre. je l'ai pas eue. retour au bercail en catastrophe par le dernier vol.
tenir assis. n'implique pas forcément ne pas tenir debout. même si mal. si pas beaucoup. si finalement non, pas encore, reprendre pied encore, la ville encore, toujours elle, éternellement elle.



c'était comme se coincer un doigt avec dignité. en silence. on devrait toujours crier cependant, au moins lancer un ouille, l'esquisse d'une complainte ? mais rien n'allait tant que la ville se refuse. or la ville ne voulait guère. j'ai donc zoné là, silence et longueur de temps, patience infinie de l'amour, demain il fera jour. mais le doigt, la douleur, le temps jouaient, faut dire. il faut dire ! crier ! six mois de temps. et pas un mot.
___
Des corps, des esprits me reviennent
Des décors, des scènes, des arènes
Hantez, hantez, faites comme chez vous, restez
Si tout devient opaque
Ma reine, ma reine
J'ai bien aimé ta paire de claques
Et surtout ton dernier baiser
Des visages, des figures
Dévisagent, défigurent
Des figurants à effacer

mardi 9 août 2016

AEE770 - 9 août : départition totale

rentrer pour échouer, sans autre raison. 
juste le temps de poser un sac, repartir. l'ambition : c'était voler.
Paris en août, tu m'emmerdes, t'es pâle et grise, 
sans relief, pas le moindre. 
on te survit à petit coup de rien.

ce silence m'obsède. je tourne autour de la page blanche, irrésolu, inconsolable. il n'y a plus de mots, pas une image, faut se nourrir d'imaginaire. 

Paris en août : je vous déteste tous ! méthodiquement, sans état d'âme. 
alors j'ai préparé un mot méchant pour chacun, 
emballé un petit paquet de haine pour tous,
parce que la misanthropie est un art majeur
il convient de ne négliger aucun détail.
alors que la ville tant aimée se refuse obstinément. ne laisse pas même sourdre un semblant de succès, une once de plaisir, un balbutiement de contrepartie à notre union
c'est sans remède. j'y vais à coup de roupillons dans les squares. éteindrai bientôt les réseaux, renoncerai à la frénésie des échanges, effacerai les contacts ? 

voyager : c'est bien inutile ! 
on nous bourre le moi avec cet épouvantail. si encore c'était le mou hépatique, ce sacro-saint organe de la pureté humaine... mais vivre sans les mots, est-ce encore bien vivre ? ça manque salement d'existence, de pouvoir sur soi, de rétroaction.

tout compromis impossible, advient le départiteur. 
petit supplément dément de mes fondamentaux, nouvelle assise encore bien fragile. à petites touches, le déséquilibre et la prégnance du silence confirment leur règne.
le silence c'est presque rien, mais ce rien comble en tout sens la jachère existentielle. en août, je me rien. les insectes prennent tout le reste. l'espace et le désir. la volonté. le néant, qui sait ? bientôt même Paris manque de relief, me manque, se manquerait à elle même si elle avait un miroir ! 
rater sa ville. puis continuer à se départir, sans cesse.

jeudi 21 juillet 2016

AF1505 - 21 juillet : il faisait chaud

Bientôt j'en découdrai avec cette ville,
cet habitant, moi-même s'il le faut
comment découdre ? il faut couper, tirer,
la couture est parfois cachée à l'intérieur


il faut tirer ?
couper ? déchireï !

vendredi 17 juin 2016

TO3153 - 17 juin : règne de l'hexapode

Chaque expérience que nous avons est vibration, 
apparaissant à travers le prisme du corps émotionnel. 

L’incipit est un délire qui s'intitule : everything is love (in distortion).
Fond noir, source diffuse, fondu au blanc : le monsieur Brown apparaît trois quart caméra, cadré au buste. Tout est amour. TOUT est amour ? TOUT EST AMOUR.
Ton postulat de non-amour m'est revenu. Je t'envoie la vidéo.
Ne la juge pas, sinon tu passes à côté. Ou jette la.


Regardant en boucle, bavant, grognant, tapant du poing... Une serpe n'y suffirait pas, un immense feu le contiendrait à peine, quelle arme définitive pourrait bien venir à bout de ce néant dialectique ? 
"Mais la source, le vibratoire, 
est toujours le point causal, même dans l'ignorance."
...Un cadeau pareil ne se jette pas. 
Il se cuisine à l'arme chimique ! 

Pas plus que les petites, cette grosse bête ne doit pouvoir échapper à nos nouvelles recettes. Terre de diatomée, pistal, acétate de linalyle...
Ou jasmoline, pyréthrine, cinerine. Perméthrine !
Tiens ? Sang chaud, sang froid, tout n'est plus dieu ? Tout n'est plus amour ? L'existence du génie neurotoxique devrait suffire à clore la discussion.
Le pipéronyl butoxyde à 6% n'est pas causal.
Le géraniol à 2,5% n'est pas amour.
En cas d'impermanence ou de doute, on applique le pyrèthre directement. Voilà enlevés jusqu'aux désirs d'être et de paraître. Que tous en prennent ! 


Sous l'effet des chimies, les petites bêtes se contorsionnent.
L'homme pas moins intoxiqué ondule aussi, un peu plus compulsif chaque fois. 
Les mouvements deviennent saccadés, la crainte se change en haine, chacun des doigts trouve un insecte à écraser, le sol n'est plus qu'une soupe d'hémolymphe, un carnage de chitine en vrac... Et l'amour ? 
Exterminé avec l'orateur, jusqu'à ce que de ce bouillon de cellules anthropoïdes et mammifères surgisse, miracle, une espèce nouvelle, superbe mugwump ou mille-pattes improbable surgi de la fiction pour s'accoupler avec l'homme nouveau.



Passe une nouvelle période d'incubation...
D'une fissure dans le mur resurgissent des antennes. 
Voilà notre progéniture, l'idée noire faite corps, pire carnation de nos pathologie. Elle est légion, partout répandue, dans chaque mur, chaque interstice. Il n'est bientôt nul refuge, pas de rue, aucun songe qui en réchappe. 
Alors que la masse anthropoïde mutante saute, se contorsionne, appelant, réclamant à nouveau son géniteur et ultime prédateur, le mot amour prend enfin sens. Ces enfants chéris ne se sacrifient, en fait, que pour exorciser ces images qui nous hantent.

___
Les maladies sont. Nous ne les faisons, ni ne les défaisons à volonté. Nous n'en sommes pas maîtres. Elles nous font, nous modèlent. Elles nous ont peut-être créés. Elles sont propres à cet état d'activité qui s'appelle la vie. Elles sont peut-être sa principale activité. Elles sont peut-être une des nombreuses manifestations de la matière universelle. Elles sont peut-être la principale manifestation de cette matière dont nous ne pourrons jamais étudier que les phénomènes de relation et d'analogie. Elles sont un état de santé transitoire, intermédiaire, futur. Elles sont peut-être la santé même.

samedi 4 juin 2016

AF755 - 4 juin : parenthèse

Où est le soleil? 
Dans une valise dans une cave dans une rue dans un caniveau? 
Dans une poche dans une verre dans un sexe? 
Lundi gris. Paris un jour, Paris toujours. 
Il bat la mesure du temps en suspens.

ils auraient pu laisser la porte de l'avion entrouverte, donner place même juste un tout petit poil à un mince filet d'air et d'espoir, mais c'est fermée bien fermée, armée vérifiée qu'on est parti vers l'espace et au-delà,
comme le schtroumpf astronaute voyant les nuages à la Gondry et tout l'équipage sautant sur les ailes pour faire comme si, j'aurais pu me rendre compte de la supercherie, mais non, porte fermée, sommeil sommeil et à l'arrivée vous aviez tous changé, grimé les visages, la peau sombre plus sombre encore, les rues la ville rien n'était plus semblable.


alors voilà. je suis là où, sans raison je suis. à cause de rien, à cause de tout. besoin de partir sans nécessité. envie de filer sans désir. manque de désir, longue journée de rien, de simple : de retraite. on prend soin de moi. je prends également, de moins en moins patiemment, mais aussi.
passent ainsi des jours, grand train, sans même lire ni prétendre rien. c'est comme se découdre, doucement. les boucles sautent, à peine un petit bruit, pendant que Paris se vide sans crier gare, ni centrale, ni rien.



ici plus qu'ailleurs rien de rien n'oblige à rien
ni ce qui précède, ni ce qui suit
ni la question, ni la réponse
dans cette chambre d'hôtel pourrie, celle-là, ou une autre, pas plus ce temps du voyage qu'un autre, ne s'impose. à l'être conscient aussi élevé soit-il, seuls importent la température et l'hygrométrie.
tout le reste n'est que moral : inutile.
il faudra pourtant donner un beau récit de ce pays. on dira raconte, raconte, voudra une part du rêve, quelque paysage merveilleux. je raconte ? Allah était grand, il a bu dansé trop fort ce jour là, c'était un vrai bazar. du coup des hommes en pantalon, chaussure. des femmes sans oreilles. la Cause trop partout, et une condition entre extase pleine et misère entière.



frotter imaginaire et réalité, à quelle fin, aussi ! 
voilà pour toi, leçon gratuite, petite claque du réel. car tout n'est pas conforme, jamais rien ne supplante l'abolition du verbe et du mouvement. dans cette immobilité d'avant la crampe je pressentais déjà le fourmillement de la procession à venir. fallut laisser là tous les amis neufs, le pays sa modernité sa misère ses contradictions, rentrer, quoi. pour découvrir bientôt qu'aux mots non advenus se substituait un grouillant empire parasite...

le repos absolu n'existe pas.
tu sais je sais nous savons.
depuis toujours nous le savons.
___
homme approximatif te mouvant dans les à-peu-près du destin
avec un cœur comme valise et une valse en guise de tête
buée sur la froide glace tu t’empêches toi-même de te voir
grand et insignifiant parmi les bijoux de verglas du paysage

vendredi 20 mai 2016

TO3337 - 20 mai : am stram gram

Comme des plis cherchent à dire la vérité, des équilibres instables
qu’on éprouve à n’être pas si fluide, pas si convaincant 
s’accélèrent, se précisent les caresses
il nous faut être encore quelqu’un
le ciel est sombre et lumineux
nous déborde en permanence

Yavait foison,
yavait pléthore,
yavait tous les possibles mais il n'en fallait qu'un.
L'unicité, le choix, rendent tout plus long, plus lent, plus compliqué...
Je contemple tous ces œufs entassés au supermarché, conscient qu'aucun ne contient le plus insignifiant poussin. Je n'ai qu'un sous, il n'en faut qu'un. Irrésolue, l'action se fige et la narration n'est pas en reste. 
A tout départ indécis, il n'est aucun retour vraiment possible.
Il n'y a plus que des fuites, disparitions, surgissements.


Ainsi des rêves. Oui au rêve unique, universel ! 
Êtres uniques, condamné aux songes multiples. Le foisonnement onirique auquel nous sommes forcés nous condamne. Ces rêves qu'il convient de faire et dont on doit se défaire. Un peu comme les voyages, somme toute. Ceux-là me tiennent au corps... Rincé des rêves, se conformer au silence, dans sa plus simple expression.

Le silence comme forme supérieure du récit. Idéal du vide.
L'état de grâce se trouve là, au terme de la passivation. Y avait-il erreur sur le coefficient stœchiométrique ? Malgré la présence du catalyseur idoine, il convient de bien tenir corps et propos flaccides, tension molle de l'être. Parfait déhanchement. Tout bon serpent vous le dira : ts tss tsss, que ça de vrai !


Alors semblable au poulet après son long séjour dans le bouillon, tout bien défait de tout, intention et désir délités en fines particules, la parole est rendue au blanc sur blanc : le presque rien. Ce n'est ni le vide, ni le néant. 
Rien que de courts silences. 
Siestes rapides. Morts brèves.
Il fallut s'y résoudre, éteindre tout tous et toutes. 
On ne peut pas toujours être et chanter ! Lorsque la danse s'arrête, la contemplation mutique est notre unique dénominateur commun. Il n'y a plus que ce riche silence, et cet océan de merde à traverser. 
Fermer un instant les yeux, comme on plonge de très haut sans savoir si la chute.

Par la suite on a fait des murs, un pour tous et chacun le sien, en sus. Comme les retours ordinaires s'enchaînaient, aventures banales, ville du commun, berceuse du quotidien, un mur à chaque retour. Un œuf cassé pour chaque fois. 
Am stram gram pile ou pile : et voilà. Nouveau départ, autre paysage. L'essentiel est de n'en pas chercher le sens, retour comme départ, sans hasard. Juste une occasion de bien rincer l'imaginaire, combler quelques rêves creux, et rentrer... forcément.



Terme du voyage, ultime rodomontade...
Mais déjà, pour rentrer, il convient de désigner un pied d'appel : choisir un ordre. Organiser ! Première forme de pouvoir. Nouvelle oppression ! Je m'oppresse pour bientôt fuir à nouveau cette contrainte du retour, itérer encore une boucle autour de la vie.
___
quelque chose à un moment apparaît,
ce n’est pas possible de tout mettre,
tous les mots, les mouvements
de vains efforts, des pensées désarticulées
on se pose des questions, pas toujours les bonnes, plutôt très mobile on se meut
là où jusqu’alors on n’était pas, où on n’allait pas.

mardi 19 avril 2016

OU476 - 19 avril : révulsivité

Tu es debout devant le zinc d'un bar crapuleux
Tu prends un café à deux sous parmi les malheureux

Il faudrait sans tarder redéfinir l'invention des frontières qui firent qu'ici est ici, et pas là, alors qu'ailleurs décidément : on n'est que mieux. Tout le monde a une raison de s'en plaindre, souvent d'en souffrir. La seule garce de contrainte exigeant que toujours plus de mots, plus d'idée s'y perde, justifie pleinement cette réforme.   
Il conviendrait de revoir ça, et tout le reste. Ordonner une fois pour toute chaque détail et tout l'ensemble, n'avoir plus rien à dire ni faire, surtout pas écrire, juste admirer sans relâche le glissement parfait de cette nouvelle mécanique. Quelque chose de doux, bien ordonné, nouvelle quintessence digne d'un bon breuvage, l'existence sans contrainte se résumant enfin à ça, le breuvage, et la sieste, mais surtout le breuvage.   
Il y a eu des projets, ça, et il y eu des listes, plein ! Également foison de gens, de lieux, d'envols minutieusement considérés, rationnellement décortiqués. A quoi bon ? 


Le paysage défilait. Les paysages défilent. 
Ils font ça rudement bien, les paysages. Parfois aussi, le train s’arrête.
Un clampin monte, puis le paysage reprend son petit boulot pépère. Lumière qu’il faut, ciel au petit poil, remet-moi un poil de bleu, coco. A Josipdol deux personnes descendent : un homme, une femme. Dans le siège à côté de moi : ni âme, ni fomme. Rien de la bombina argentine que lhomme saurait trouver même aux confins de l’Europe, mais comment ferait-il ? Est-ce le sourire, ce superbe écheveau de petits morceaux d’os qu’arbore la famille ? Faisons-le apparaître à mes côtés, le temps d’une bière, temps rapide car bière unique, saloperie de train moderne dénué de bar, dry train, alors raconte-moi, bois un coup, souris un peu : tu fais comment ?
Le paysage continue son petit bonlhomme, si bien qu’il fera bientôt ailleurs, et différent. Cependant que pareil, et identique : nous sommes et continuons. 
D’autres gens auxquels sourire. 
D’autres bars dans lesquels entrer. 
Un lit, quel lit ? On verra.


Le train amende les frontières, cependant : elles persistent. Les vibrations induisent l'érection, mais la flaccidité règne. Je suis pas content !
Le priapisme n'est qu'un mensonge. Un idéal sans frontières ! Sans plus que ça. Un échec. Une forme de piloupilage, de pilou façage ? Train, frontière, érection, idéal, rien n'est advenu que l'incapacité à se mouvoir et respirer à terre, comme le poisson qui encore un peu secoue remue étouffe et meurt. Loin le navire, rendu l'affrontement de la cohérence, qui ne douterait pas ? 


Au long de ce périple certaines lignes clignotaient, aguicheuses. D'autres s'empressaient de disparaître. Il y avait toujours quelques indéboulonnables annonces, décollages du matin reportés d'heure en heure. Je restais un long moment à admirer le panneau géant des départs de CDG, et choisis finalement le vol pressenti. 

Au terme de cette fièvre, pourquoi revenir ? Que chercher dans Paris, quel mot fraîchement et sans écho qui ne soit un écueil déjà connu ? D'ici on pourrait partir dans tous les sens. Demain soir, en navire vers Bari. Ou plein nord vers Sarajevo. Sud : le Monténégro, l'Albanie, rien que des noms et des frontières, pléthore d'horizons mais rien qui satisfasse à la question ni comble l'angoisse. 
Je rentre. Je suis là. Je reste là.
Pitoyable sécheresse de mot. Il faut de nouveaux mots, de nouvelles frontières. Mais Paris, stoïque, ne répond d'aucun nouvel écho. C'est un dix neuf avril. Premier retour de marin recalé à terre.

vendredi 11 mars 2016

AF929 - 11 mars : nous n'irons pas plus loin

Détresse à l'apogée
J'ai bien connu une détresse littéraire
elle était profonde, douce comme le quotidien, se réfugiait dans les poncifs, la routine... 
Elle, moi, complaisamment et avec soin : laissions passer les jours. Le jour d'écrire est sans lendemain. Ce doit être l'urgence permanente, comme une mauvaise politique française, comme une soif de chien...
Do anything, but let it produce joy. 
Do anything, but let it yield ecstasy.

Disait-il. Où en est-on de la joie et de l'extase ?
Combien de roulé-boulés dans l'herbe et dans la neige ?
Et si un jour s'instruisaient nos procès, quels seraient les peines énoncées ? 
Le procès n'est finalement qu'une forme normée de nostalgie. Je te rejoins sur le brossage d'écailles. La société humaine se retourne sur ses écarts. Le soleil envoie quelques rayons caresser l'orient regretté, qui n'est qu'un ponant en devenir. 
Mais que diable est advenu de ces jours, où les idées du levant au ponant ?, où les mots ?, où l'droit de suite ?
J'ai très bien connu une détresse littéraire... 

A l'apoapse de cette trajectoire c'était le grand vide, encore, du bleu partout.
Vie en bain de saumure, pensées en berne, c'était salé, ça durait bien longtemps...
Les jours passaient comme les secondes sur une montre arrêtée. Obsédante répétition en suspend, donc, puis bientôt ce ne fut plus lundi. Alors que tous les jours en renvoient l'écho lardi, merlundi, jleundi, lundredi, samlundi, dimanchelundi. Ici le temps ne se compte plus. On parle en semaine, les heures n'existent même pas, on dit 'dimanche' : je ferai ça après dimanche ! ou le dimanche suivant ! 

De la procrastination à échelle industrielle. 
Sédimentation intellectuelle à outrance. 
Plus rien ne bouge, ce ne sont que des couches d'idées bien empilées, bien oubliées. Les intentions ? Oublie les intentions !

Confort du périgée
Puis le retour advint. 
Le vrai, modèle final et définitif.
Faut alors tout recomposer. Changer la peau du dedans comme la peau du dehors. Plus rien n'est à sa place.
Out la flore intestinale, premier élément inadapté au pays, à la nouvelle vie.
Comme je ne sais plus boire, plus sortir, plus veiller, si mal vivre, il reste pas grand chose. Même désirer, diable comme c'est dur !
Cependant enfin posé, enfin, 
défaite la valise, les pieds libres, chaussures au coin : pas d'échéance. 
Comme il est difficile de repartir, alors. Les semaines simples et légères, comme dragées en enfilade. Exercice riche et solitaire. Chaque semaine s'ajoute, temps libre gagné, espérance acquise, kilogramme de plus. Gain brut !
Mais gain inéluctable, insécable, incessible. Rien ni personne. Plus d'échéance. 
Chaque petite seconde se tient là, victoire acquise, instant passé, oblitéré de liberté.

Insatisfait cependant, je butte bientôt sur la problématique de distance idéale. Quelle distance ? Quel idéal ? C'est plus un ressentit qu'un malaise. M'appliquant alors à retarder les retrouvailles avec une maîtresse, je réalise tout ignorer de sa distance propre.
Quelle sont nos trajectoires dans la ville ? 
Quelle pondération entre nos masses, où les foyers, quelle trajectoire ? Peut-être la collision est-elle imminente, ou l'éjection de vigueur ?
A la prochaine révolution sur notre orbite elle apparut avec un homme. Alors seulement je réalisais l'erreur de calcul du problème à deux corps, les trajectoires rien simples
la mienne rien droite
toutes si variées, si différentes !

Parabole d'éjection
Par la magie des cumuls incessibles, au fil des fêtes, ivresse après ivresse, advint l'incroyable : un mois avait passé dedans les frontières périphériques. Un mois sans retourner à l'avion, ni fuite ni échappée belle : juste là, comme ça.
Trouver de nouvelles absides devenait salement urgent. Rien ne se passait plus qui ne soit quotidien. Je voyais la ville, différente dans les détails, m'échapper en tout. Gardant sa petite musique bien à elle, mélodie reconnue, mais tempo insaisissable.
Il se faisait un mois et un jour, jour comme un autre, symbole de rien, quand je bouclais finalement une valoche. Trainais longuement en ville avec cette lourde garante du changement. Foulait bientôt les couloirs de Roissy. Ils ont là un écran formidable, grand mur de loupiotes où miroitent les ailleurs...

Rentrer enfin, repartir quand même. 
Car tout naît et disparaît dans la distance. Le fantasme et la brume, le lien et son corollaire, le rapport, inférieur supérieur de groupe sous-groupe adhérence inclusion, ah mais attention, car les mots sont nombreux et précis, voilà une belle soupe ou se perdre pour commencer !
Que je glose ou me taise, les jours s'allongent, nous dessus, dessous, à côté, tous à se longer les uns les autres par deci par devers par là comme ci comme ça, je glose, tu t'allonges, tu dors, éh, tu dors ? 

voilà ce qu'il en est. Elle dort... Me reste à filer, jeter encore quelques mots, égrener quelques derniers jours jours au rosaire et de s'exaucer ce qu'il faudra amen, en choisir quelques derniers, enfin, pour clore le désastreux chaos verbal. 
___
Here comes the dawn
I can’t believe we’ve been sitting here all night talking this long
About exactly when & where it started going so wrong
Dissecting every aspect as if it was fine all along
I told you that I’d never been all that strong
Here comes a storm
& with it come the things that we will have to face in this storm
& here comes a storm
Just as everything was falling into place here’s a storm
There must be a storm
Don’t we need it
Just to clear it
To blow the ashes away
Away, to a place where they can never be found or thought of again

mercredi 27 janvier 2016

AF237 - 27 janvier : s'il fallait une omélie

C'était toutes les heures du monde, toutes les fuites, toutes les étincelles...
Ce n'était rien, juste l'écho de mes pérégrinations dans le foutoir des verbes. Des heures vécues, des heures perdues, horizons splendides, femmes aimées, courant surmarins, jetstreams en fusion, échos de l'âme jamais reposée, et pourquoi se reposerait-elle ? 
Jusqu'à maintenant, jusqu'au terme, puis encore après, il faudra parler, toujours. Il faut écrire, encore. Dialoguer, je ne sais pas. Car signifier reste de la treizième importance. A quoi sert de chercher un sens que personne ne souhaite, alors que la vie exige furieusement qu'éclate la joie ? 
Ecrire sans même savoir où aller. Encore.
Aller sans savoir, ni où, ni pourquoi. Toujours !

Désormais il n'y a plus même l'idée de départ, de tous ces départs.
A peine les mots de l’introït qui initièrent si vivement cette longue série d'échos:
E uma nuvem fechada está no centro do seu corpo. Então Blimunda disse, Vem. Desprendeu-se a vontade de Baltasar Sete-Sóis, mas não subiu para as estrelas, se à Terra pertencia e a Blimunda.
C'était à Tokyo ou sur le Fujiyama, quelle importance ?
Tous nous avons un message, un endroit, un envers, et tous nous tombons et finirons par nous taire. D'ici là, il faut cracher. Et plus longtemps tu vivras, mieux tu verras le monde tel qu'il est. Comme une grande ombre !


Ce furent quelques heures du monde.
Un peu de leur quintessence. Quelques mots. Un reliquat.
Restent ces signes que des robots parfois explorent. Un algorithme bègue s'essaye à deviner un sens... Il comprendra un jour qu'il convient de laisser les bouteilles à la mer. Celle-là comme les autres ne vaut que par sa danse surmarine.

Ne dérogeant rien ni de l'envol, ni du retour, c'était, ce jour, un atterrissage tardif.
Début février, avant-veille de départ. Encore un faux retour !
Jambe molle, œil crevé, bouche pâteuse, ventre gonflé, bile âcre. je tombais au sol comme appendice nécrosé de l'avion. Un reste de panique de l'embarquement subsistait à l'arrivée : il me fallait prendre la ville à temps pour déjà, bientôt, repartir.
Là faire l'amour, re boire du vin, 
ici vivre, quoi,
être, fêter, enfin !
Cependant que la prochaine échéance, le navire, déjà s'imposait le plus pernicieusement du monde. Je le retrouvais là, en plein rêve. Ou là, encore, dans le coin de l’œil, me gardant éveillé. Infusant déjà son petit balancement délétère. M'enlevant un peu à la ville malgré le précieux espace neutre de la vacance...


Avant même de flotter j'avais déjà perdu pied. A force de retours l'absence faisait doucement toute la place autour d'elle. Comme un souffle glacial dans la foule, créant le vide dans l'amas des chairs. Au milieu de ce trou, plus rien. Que l'absence, de contact et d'idée, de réflexion, d'action tout autant. Balancement léger, houle maudite ! Ce vide flottant devient le centre de l'être, de la vie. Je n'y suis plus. Pour personne, ni moi non plus. 
Comme la carambole,
éternellement attirée par le soleil,
ou le fanal arrière de tous les derniers trains ?

La distance ne révèle rien. Elle distend. Les rues les places les gens la chaleur du lit même rejoignent une impossible mythologie. Caresses des souvenirs ! Du lointain parfois reviennent comme des échos, des viens-ci, viens-là, souviens-toi. J'avais promis d'y revenir et d'y vivre, mais m'en trouvais, désormais, plus lointain que jamais. 
Pour ça, pour rien, les retours se font plus durs. D'un navire ou d'un aéronef, toujours moins d'amer. A terre, moins de repaires. Où le partenaire, où le complice ? Où, désormais, la maison, la grotte, le hogar, le refuge ?
Ils répètent toujours que dans un monde sédentaire on regarderait pousser les fleurs, ce serait chatoyant, rutilant, lumineux. on rêverait de la niche, du panier, du prochain repas en caressant le tire-bouchon ?
Je savais le mensonge avéré.
Croyais savoir voyager, quelle erreur !
Continuais de vivre, hypothétiquement.
Par tranche de dix heures par série de trente tic tac tic tac.
Refusant de rentrer, pourquoi chez soi ?, jamais sédentaire
dans la violente compassion, l'empathie de mes semblables
je m'imagine dans ma cuisine comme toi dans la tienne
reliefs de repas, bouteille, et verres,
enfants qui dorment,
aucun objet, aucune personne, aucune forme, aucun principe ne sont sûrs, tout est emporté dans une métamorphose invisible, mais jamais interrompue, il y a plus d’avenir dans l’instable que dans le stable, et le présent n’est qu’une hypothèse que l’on n’a pas encore dépassée.

___
Mais s’il pense, un beau jour, avoir eu l’idée juste, il s’aperçoit qu’une goutte d’une incandescence indicible est tombée sur le monde, et que la terre, à sa lueur, a changé d’aspect.

samedi 16 janvier 2016

TO3041 - 16 janvier : après la déroute

Peter Pan était encore tiède lorsqu'un soir, dans cette même ville, une autre guerre fut déclarée. Une guerre où il n'était plus question ni d'âge, ni d'homme, ni de femme.
Ou plutôt, le contraire. Il n'est soudainement plus question que de ça. Les femmes, les homme, la vie toute entière en point d'interrogation. Ce soir là, alors que les uns faisaient la fête pour se prouver vivant, quelques autres mal lunés, un peu sous-hommes, vinrent injecter la mort dans le tissu urbain. D'une pétarade, arrêtèrent tout : la musique, les conversations, la vie, le reste...

Tout bien désemparés, les vivants restent là, cherchent des mots. Quand il n'en est sans doute aucun. Rien qui décrive bien la douleur et la mort, le sang, pas un peu pas beaucoup, le sang pur, partout, et la terreur. A quoi bon ? C'est un peu d'irrationnel qui a surgi là. La pièce tournoyante s'est fichée dans nos corps et tourne désormais, vrillant nos nerfs, arrachant les chairs.



Voilà Paris dans l'année nouvelle, complètement meurtrie et parfaitement bien portante. La terreur n'a pas de mots, et les mots sont difficilement impressionables. De fait, ils craignent rien, les mots.
Ne subsistent que quelques éclats de verres et des monceaux de fleurs fanées.
Dans cette ville des hommes en ont exterminé d'autres, et la vie continue. La statue-république, un peu ébranlée, tend plus haut le bras, plus vif l’œil, reste vaillante ! Son cortège de mémoires, bougies, gerbes, mots, souvenirs, semble intarissable. Tout juste subsiste-t-il comme une odeur de sang mêlé de larmes...
La question n'était plus alors de savoir si l'on est vivant ou mort, elle est juste : de continuer. Tu vas ? Je vais. Allons tous, ceux qui ne peuvent plus marcher, plus respirer, plus vivre, on vivra pour eux. Nous garderons précieusement leurs noms. Vivrons double, ferons l'effort.

Après le choc, ce retour à paris était tout malaisé.
Plus solide la solitude, impossible la séduction, absents tous et toutes, que faire ? Je patientais en léchant la crème au fond de ma tasse. Patientais vide d'espoir, et aucune jambe, aucun nouveau contact, rien n'affleurait à la surface du flot urbain que ... le flot urbain lui même, cet amalgame de choses, de rien, de vide, enfin...
Bien qu'absent des désastres du 13 novembre, je surprenais mes mains explorant le corps à la recherche d'une blessure, quelque improbable stigmate. Il régnait une immense débandade. Je n'aurais plus su dire alors quel organe servait encore au plaisir dans ce foutoir de corps.


L'année débutait toujours.
J'ai cherché le pouls de la cité. Bien faible, mais régulier, si bien que ce ne fut qu'une question de jours pour que la statue se relève, reparte d'un rock endiablé, shootant dans les kalachs mal rangées à ses pieds. La fête reprit, tout le monde en était, qui boitant encore, qui léchant ses plaies, tous de plus belle.
Comme janvier commençait à passer, quelques repères de nouveau bien établis, elle me fit : va, file, fuis un peu et reviens vite. Nous repartions sur de bonnes bases ! Ainsi je filais. Brièvement. Juste l'affaire de quelques parallèles.

Au retour elle était là, forcément.
Plus brillante. Plus tangible que jamais.
La carlingue a encore remué un peu, tourné deux trois fois et nous a recraché là : c'était le fin fond du tarmac d'Orly, un samedi soir de fête. Filez avant que je ne change d'avis !
Comme il s'agissait d'un avion en mousse, nous fûmes invités à un tour gratuit sur le tarmac. Vu l'heure avancée, inutile de débattre, nulle affaire cruciale ne se jugerait plus ce soir. Il n'y a plus qu'à s'occuper un peu jusqu'à la fin de la nuit...

A cette heure les premières bouteilles, les meilleures quilles sont tombées. Désormais ils dansent, c'est sûr, pendant que le bus ADP se traîne au franchissement des taxiways. La soirée bat son plein, chacun aura établi ses marques, posé jalon, campé là dans son ivresse. Arriver maintenant ne sera plus l'occasion que d'un survol léger - plus rien à tenter, manger, boire, prendre, que le bruit et les ondes, quelques restes épuisés qu'entourent des collines de mégots tièdes.



Aussi, sans que j'aie rien à y prendre, je m'attardais encore un peu vers le tapis vomisseur de bagages. Histoire de mieux savourer le retard. Le temps, surtout, d'un dernier barouf auprès d'Izelle, petite souris dénotant dans la carlingue, qui voletait là comme une dernière fragrance de cette balade. Je l'abordais, initiais le protocole d'usage, tirant quelques poncifs, variations en do des tentatives d'usage, reçus un-deux sourires et laissais un numéro. Quand elle m'eut bien définitivement échappé commença enfin la dernière ligne droite vers la ville éternelle...

Le téléphone a commencé à vibrer gaiement, exprimant tout l'enthousiasme d'un passé récent, oblitéré. S'y entendaient quelques échos de la fête, dernier portique de la nuit, où chercher la preuve du vivant, échouer avec un verre, secouer l'air frisquet ? 



Pour prémisse la soirée commença aux échos d'une bande de joyeux drilles, chez Adel. Cent mètre plus loin la rue Alibert se reposait encore. Dans quelques retour, le Carillon sera rouvert. Alors toute tristesse bue, on posera le coude vrillé, submergés par cette simple victoire d'être toujours là, forcément. 
C'est à ce retour, comme les circuits reconnectent, qu'éclate l'évidence, que portent finalement les coups idiots, échouant derechef à engendrer la peur. C'était au bout de la rue. Ils étaient fervents, cons et armés. Ils ont tué et perdu. On est là, Adel sert encore quelques gobelets fatigués, bientôt la musique s'arrête...  

Ce n'était pas vraiment un retour.
Juste un passage, le temps d'un frichti, une étreinte, nouvelle valise.
Le passage d'un instant fugace et précieux de certitude.

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Voici la finalité prioritaire que l'on découvre dans nos fêtes, et voilà pourquoi on y est si heureux, si attentif : un beau duel et un bel ennemi, dont la puissance infinie nous révèle notre puissance infinie, puisque nous y résistons, puisque nous ne sommes pas encore morts ! Car nous devrions être morts, écrasés, depuis longtemps : notre constatation de non-décès, qui est au cœur de notre fête, nous ouvre des horizons infinis sur notre propre valeur : voilà qui est enivrant, voilà pourquoi on est graves à nos fêtes, même au sein du rire.