lundi 15 octobre 2012

AF 2391 – 15 octobre : mal de toit

Et pour le 13 ? C'est un samedi ! Tu prévois de bosser ? 
Voilà mon offre : libère-toi. Je t'emmène boire un verre à l'estranger.

M'engouffrant dans un cinéma de Saint-Michel, je repense à la critique, prudente, évoquant un maître du plan fixe. Il fallait en déduire : pesant, soporifique. Le film commence. Endormissement. Dormition ? Quelques changements de plan me réveillent cependant, travaillent un beau trauma du rythme circadien. 

Film difficile, sommeil fatiguant – je note : prévoir un masque oculaire pour la prochaine séance. L'indigestion finit par me pousser à la porte. Je me lève dans les faisceaux spectraux du projecteur, et sors.


Faut dire aussi que ce matin à l'aube, avant même le réveil du muezzin, on a déclaré le retour intégral. Tout le monde largue les amarres, ultime taxi et oh-hisse les ailes pour une dernière check-list.

A cette itération la garce s'offre toute bleue en manteau glacé. Et nul château où se réfugier – la place est prise. Mon refuge précédent le cinéma est un café bruissant de mille sabirs. Un turc étale sur ses voisins le récit d'une vie en couches épaisses ; c'est fascinant et interminable. J'hésite entre les plaindre ou les envier. 
Pauvres voyageurs, juste tombés de Singapour, ils entreprennent comme mantra de protection d'énumérer toutes les compagnies qui opèrent SIN > CDG (le code IATA, ignare!). La liste est longue, les paupières me pèsent. Je pense, tiens, 1 trait d'union, Paris, juste entre les 2, ces 3 là tiennent la plume, et n'arrive jamais à 4...
La cloche du bus 47 essaye plusieurs fois de siffler la fin du rêve. Sonne le début de la plongée en parasomnie... La journée avance. 


Pour changer des moutons, recompter la somme des échecs en gestation dans cette ville. Repenser l'amour offert. S'étirer. Le sac, unique compagnon, commence à bailler aussi. Il pèse et pèse, et chaque jour un peu plus, d'un toit à l'autre. On ne m'y reprendra plus !

Chercher un toit qui tienne, changer de toi, changeons de moi, une fesse un sein jamais vraiment les mêmes et ainsi chaque jour. Dure épreuve pour mon carnet d'adresse rouillé, d'ailleurs dès le lundi je me cogne une porte, avise un pont sec et suce mon pouce, l'oublié de longue date.

Portes cochères, paliers, toilettes désaffectés, bouches du métro, culs et poitrines, je ne sais plus.  Les jours passent. Caché dans Paris, tournant ivre, privé de dentifrice, changeant de lit délaisse le corps et toujours te trompe un peu plus. 


Voilà vendredi.
Une vitrine me renvoie un reflet frappant, comme un pétard. Le sentiment d'urgence agrège soudain, je réalise mon erreur, pense un départ immédiat. Demain. Demain ! Un autre départ sans retour. Fébrile, agité, je cache ma main gauche, elle tremble comme sous la poussée TO/GA des 4 Rolls-Royce Trent 900.

Le départ effacera tout. Mensonge, lâcheté, indécision, table rase ! Et quand bien même; le lendemain, je n'y serai plus. Pieds et mains déjà enfuis, verbe incohérent, regard parti, la tête agitée par les jetstreams, le corps entier vibrant de tous les ailleurs. 

Tous sens embrouillés d'une confusion fébrile, figé d'une érection tenace qui me bat les tempes, je pense l'avion comme immense réconfort, dernier refuge, ou se serrer sur un siège bien étroit. 

Si je savais ce que je veux... Si je ne faisais pas toujours l'exact contraire de ce désir méconnu... Il n'y aurait rien ! Tout serait dissemblable ! 

mardi 9 octobre 2012

AF 7535 – 9 octobre : et puis, et puis encore ?

Un jour de septembre
Une brève nuit à Paris, puis podom podom, laissons les erreurs grandir et se multiplier, la raison en définitive n'aura raison : qu'au terme. Lorsque tous nos torts seront consommés. D'ici là, jouir – jouir – jouir, et s'enfuir parce que.



Un jour d'octobre
Je la pince la mords la bourre la tanne
mais l'auteure potentielle de ce billet, voisine de bus à cet instant, fraudeuse émérite, varie ses humeurs tant et si vite
merde ! Impossible d'en tirer un guide-mot, pas même un ah!, un oh!, une voyelle ?
Là, renfrognée quasi boudeuse,
ah non, rieuse pleine d'ironie !
Oups, soudain mélancolique, elle ne laissera rien flotter de cette crème de mots qui font mon délice. je. merde. emmerde.
Avec deux semaines d'avance la voilà peut-être décrivant quelque humeur asiatique, le doux emmerdement quotidien, ennui que nulle étreinte, nulle rencontre ne viendra picorer.


Un jour entre les deux
Voici la mer. Bleue partout. Profonde comme ça.
Une équipée fantastique. Des coups de vent, des vagues. Dans le carré on prépare de l'humain au caramel. Des corps enchevêtrés partout, la nuit, le jour, veille, sommeil, tout est confus.

Puis un jour, dans les binoculaires où on cherchait le cap, désir et frustration prennent corps. Et quel corps, quel style. Quel cul ! Le sortilège des charmeuses de serpent porte décidément bien loin. Comme les spectres à l'apogée d'une fièvre, voici le retour qui s'incarne, suce mes forces, m'hypnotise de sa danse. A l'instar d'autre magies fragiles il fallait rester discrets, rien prétendre. Mais jouir vite, c'est jouir quand même.

J'ai jouis. Ensuite c'était ce moment du voyage où malgré l'évident plaisir du quotidien, la décision du retour doucement s'impose. La déraison l'emporte. Quel sens commun ? Un sens comme brownien, en tout toujours imprévisible.


Le retour
Un vilain néon rouge clignote, indique « Paris » en mauvaise graphie. Sa lumière glauque, son intermittence t'obsèdent. A contre-sens tu t'engages, un pied, l'autre, direction n'importe où, mais ailleurs.
A l'aéroport tu captes ce fredonnement familier -Mais les vrais voyageurs sont ceux-la seuls qui partent / Pour partir; coeurs légers, semblables aux ballons / De leur fatalité jamais ils ne s’écartent- qui en évoque un autre. Pas le temps de rassembler tes mots. Voici Paris. Les bureaux. Un peu de temps libre et très vite, déjà, celui du départ.
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« Nous avons vu des astres
Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;
Et, malgré bien des chocs et d’imprévus désastres,
Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici.