lundi 18 juillet 2011

AF5844 - 18 juillet : L'absence, mais

Ça aurait commencé comme un mariage : il y avait une femme toute blanche ; pas vraiment son visage, ni ses cheveux, nan, mais engoncée de blanc, toute blanchite, purifiée en diable
qui dansait.
Une piste. On dansait. Je sautais. L'estomac en opposition, sautait aussi, toute la salle en délire criant : prolapsus!, prolapsus!, et je me suis réveillé dans l'avion, mal au tripes.
 Le réveil dans l'avion, c'est toujours un truc... Les roues pètent au contact et t'ouvres les yeux comme pour la dernière fois et ça sent la peur les voisins gémissent comme s'ils avaient à arrêter l'avion de leurs petits bras. Aérofreins ! Que je leur dit. Autobrake ! Thrust reverse ! Ânes bâtés !
Et lançant avec hargne tout ce qui se trouve, sac à vomi écouteurs plateau chaussette de confort et trousse à maquillage
Enfin, l'avion s'arrête... On s'en était foutu excessivement plein la lampe ce soir là. Et du manger, aussi. Un mariage pour de vrai, en somme, maintenant que je vois le petit présent de dragées.
Quelques images reviennent. Un mariage.
Quelque part dans la nuit Fatima avait dit entre 4'zieux, aussi pintée que la coutume l'interdit, que patachi et patacha, que cette vie de patachon décidément... Et Vive cette Vie, j'ai meuglé, santé, et cogné la bouteille vide contre mes dents...
Puis encore un beau matin, dix jours plus tard, via San Siro, jeté sur les marches de l'église m'écriant toujours, Vivent les Mariés ! Qu'ils vive ! Un cri profond comme la fin d'un voyage
voyage dont c'était la fin d'ailleurs
voyage comme moyen discret d'aller
vers Nice, Beyrouth, Rome, Gênes,
improbable moyen de toucher un dur fiable
en plein débandade de juilletiste.

A ce départ de juillet on a filé, moi, ma garce, vers un improbable Liban. Qui en fait d'improbable s'est avéré vraiment réel, bien sec, bien raide, et plein de bruns barbus avec des yeux. Leur yeux : muets. Alors elle m'a dit "je croyais pas que tu viendrais". Mais ce n'était pas un rêve, et comme en songe le transport, les collines, et quelques oliviers déjà défilaient à la fenêtre
je ferme les yeux, je revois ça (et le béton, plein de béton).

Alors tous deux croyants peu, jouissants bien quand même, avons traîné pantalon blanc, beige, gris, noir, en pays copte, maronite, chiite, druze, syriaque, protestant, chaldéen, dans ce patchwork bordélique
jusqu'à plus en pouvoir

jusqu'à débandade, fuite, gare infernale de Charles Heilu, hôtel toujours plus simple, même pas moins cher,
jusqu'à l'instant de grâce
où, suspendus vers la crête
pouce tourné plein ciel
dans le vent et l'air pur
on attendait un chameau.
C'était un chemin élevé,
quelque part entre Bcharre et Baalbek...

Et dans ce trou : point de chameau.
Essayez de regarder un trou. Longtemps. Au soleil. Fixement. Les yeux sèchent et pleurent. Et la poussière. Un poisson passe en remuant la queue. Pas de chameau.
De l'absence de chameau dans tous les trous du monde on faisait ritournelle pour jambes fatiguées. Courants vers le bas. Du chameau. De l'absence. De l'absence, mais! De cette absence d'absence, de dessert de navion de soleil ? De poussière de voisin de vol, jusqu'à l'absence de tout, quoi, l'absence totale
le vide absolu
cette absence d'être
absence d'ennui...

Admettant que dans le vide absolu, on ne vous entendra pas crier, le patachon en profite pour jouer qu'il serait enceinte. Bientôt papa. Mille larves cachées dans les ruches. Au rythme actuel, père d'une dynastie. Nous referons les villes, sauf Paris. On rentrera par les fenêtres ouvertes. On boira plein d'hydromel. Fin de la parenthèse.
La fin. Le retour.
La fin va toujours plus vite. On boit. On sourit avec les dents. On mange. On rentre une fois dans une ville, c'était un mercredi. On rentre une deuxième, plein sud, un lundi. On rentre pour de vrai et la ville est là frémit quand on la touche, lundi, lundi ! Un lundi déblayant la neige accumulée dans mon jardin je retrouve Paris et quelques seringues rouillées. Ma came est là
je plante
mes bras
dedans.